Exiger la mise en capacité des services de droit commun
La question de l’accessibilité physique elle-même est loin d’être résolue. Elle est à défendre pour l’habitat en premier lieu, mais bien sûr pour tous les lieux de vie, et plus globalement à l’échelle des territoires de vie, en prenant en compte les trajets et déplacements.
Mais l’accessibilité dépasse la question du bâti. Elle concerne aussi les personnes en situation de handicap psychique, de déficience intellectuelle, de déficits sensoriels. Il s’agit de prendre conscience des difficultés de ces clients et usagers, de les accueillir, de leur apporter des réponses adaptées. C’est tout le mécanisme de l’accessibilité universelle et de la conception pour tous ; et nous n’en sommes qu’à ses débuts. Parfois pour convaincre il faut expliquer que l’accessibilité universelle profite à tous, aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux personnes avec une incapacité temporaire. Oui c’est juste, mais cela ne doit pas être la justification de tout. Même pour une seule personne handicapée, le lieu où le service peut être rendu accessible, sans nécessairement imposer des règles trop strictes. Il suffit parfois d’un peu de bon sens.
Dans tous les secteurs d’activité appelés à recevoir du public, l’accueil des personnes en situation de handicap dans le cadre d’une « conception globale » permettant l’accessibilité à tous devra devenir l’une des bases universelles de la compétence professionnelle. Des modules de formation sont à élaborer et à dispenser de manière généralisée, pour tous les métiers concernés.
La mise en capacité des services de droit commun est un programme de grande ampleur. S’il s’énonce simplement, il doit se traduire par la conception de solutions efficaces et adaptées à la diversité des situations, par des mises en oeuvre réalistes et progressives, par une véritable montée en compétences de tous les acteurs, toutes les structures et institutions de l’espace citoyen.
UNE ÉCOLE EN MESURE D’ACCUEILLIR LA DIVERSITÉ
L’exemple de l’école illustre à la fois la puissance et les limites de la démarche inclusive. Celle-ci exige des moyens d’accompagnement, de l’information, de la formation et du temps. L’Education nationale parle « d’adaptations aux besoins éducatifs particuliers », cela reflète bien l’ampleur de la tâche. L’école inclusive se confronte en effet à la complexité et à la diversité des situations. Décréter l’inclusion sans bien la préparer, cela met en difficulté les enfants en situation de handicap, censés alors s’adapter à un environnement qui leur est de fait peu accessible. Cela peut mettre tout autant en difficulté les parents, partagés entre le nécessaire accueil de leur enfant et les difficultés et souffrances réelles quotidiennes et les professionnels en exigeant de leur part des adaptations qui mettent leurs propres équilibres en danger, ou tout simplement en leur demandant des postures et pratiques pour lesquelles ils ne sont pas formés.
Ainsi, si le défi de l’accès à l’école est en passe d’être relevé, le chantier de son accessibilité au sens large reste ouvert. Il est nécessaire et urgent de trouver des réponses satisfaisantes pour tous les enfants aujourd’hui sans solution ou accueillis à temps partiel, réponses qui permettront également de réduire l’impact sur l’activité professionnelle des parents. Il ne s’agit pas seulement d’intégrer un enfant handicapé dans la classe, mais bien de s’assurer qu’il est à sa place, qu’il apprend, qu’il progresse au mieux de ses capacités, qu’il développe des liens sociaux. Pour cela des efforts importants restent à consentir sur le plan des formations, des moyens, des outils, de l’organisation, bref d’une adaptation de la capacité globale du système éducatif à accueillir la diversité des besoins des enfants.
Enfin la question de l’école inclusive dépasse le strict cadre de la classe. Les accueils périscolaires, la cantine, les centres de loisirs, les stages sont des espaces de socialisation importants qui doivent aussi se mettre en capacité d’accueillir les enfants handicapés.
ACCÉDER AUX SOINS
Le devoir d’accessibilité se décline avec une acuité particulière dans le domaine des soins. Personne ne devrait aujourd’hui se voir refoulé aux portes d’un cabinet médical, d’un intervenant paramédical, ou d’une institution hospitalière. La prise en compte adaptée des personnes handicapées est à envisager à tous les stades : prise de rendez-vous, accueil aux urgences, déroulement des consultations, transmission de l’information. Tous les intervenants du soin, médicaux et paramédicaux, devraient posséder un minimum de familiarisation et de formation sur les problématiques liées au handicap.
Pour cela des outils de communication, des formations, des outils et méthodologies adaptées sont à créer et diffuser dans ce secteur. Des recensements, annuaires, plateformes d’intervenants accessibles sont à développer. En parallèle des équipes spécialisées peuvent intervenir en appui ou comme ressources complémentaires. Des équipements, services et compétences d’une MAS (Maison d’accueil spécialisée), par exemple, peuvent être mises à disposition pour des patients au-delà du cercle de ses résidents habituels. Les services d’urgence hospitaliers, peuvent être assistés par des ressources mobiles partagées.
L’accès aux soins soulève également la question très concrète de l’éloignement, les déplacements soulevant des difficultés accrues pour nombre de personnes handicapées.
Si l’accessibilité des soins dans leur lieu d’exercice ordinaire est une nécessité, les solutions qui permettent de rapprocher les soins des patients sur leurs lieux de vie doivent être encouragées : elles minimisent les ruptures et favorisent les échanges entre accompagnants et soignants. Les équipes mobiles de prévention ou de soin, l’hospitalisation à domicile, la télémédecine, la téléassistance, le développement de la domotique au domicile (et dans les lieux publics), qui permettent de rapprocher les ressources spécialisées des lieux de vie sont à développer. Ces approches sont particulièrement importantes pour les personnes vieillissantes, permettant de médicaliser leurs lieux de vie jusqu’à un certain point, de les adapter à leur niveau d’autonomie et ainsi de favoriser le maintien au domicile lorsque c’est le souhait de la personne handicapée.
Il ne faut pas non plus négliger les femmes en situation de handicap qui subissent encore trop souvent des examens médicaux traumatisants.
L’aboutissement du vivre ensemble, c’est la mise en oeuvre effective des droits du citoyen, le respect du principe d’accessibilité universelle permettant d’accueillir notamment les personnes en situation de handicap.
L’adaptation de la société et la mise en place de moyens de compensation ne constituent pas une discrimination positive : ils découlent d’un impératif légal et sociétal. Cet impératif est cependant très inégalement mis en oeuvre dans la réalité quotidienne.
Toutes les structures sociales que nous utilisons au quotidien sont concernées : crèches, écoles, centres de loisirs, associations culturelles et sportives, médiathèques et salles de spectacles, immeubles de logement, lieux et séjours de vacances, commerces, gares et transports en commun, commissariats, cabinets d’avocats, tribunaux, partis politiques, entreprises, bureaux de poste, mairies, bureaux administratifs, médecins, hôpitaux… Tous ces lieux, toutes ces structures sont-ils en capacité d’accueillir les personnes dont l’autonomie n’est pas complète, de prendre en compte leurs besoins, de leur fournir des services sur un pied d’égalité ? La norme à promouvoir est celle de services de droit commun accessibles à tous les handicaps.